Historique du patinage synchronisé

En comparaison des autres disciplines du patinage, qui existent depuis près de 150 ans, le patinage synchronisé est la « petite dernière ».

D’un point de vue historique, dès 1838, on fait référence à ce qu’on appelait en Angleterre le « patinage artistique combiné », pratiqué à l’Oxford Skating Society, mais par la suite on ne retrouve plus aucune mention de patinage organisé en groupe. Plus d’un siècle s’écoulerait jusqu’à ce que, dans les années 50, à Ann Arbor, dans le Michigan, le sport commence à s’implanter comme activité officielle de patinage en Amérique du Nord.

On l’appelait « patinage de précision ».

Les Supremes. 2003.L’activité a commencé, assez innocemment, comme passe-temps amusant permettant aux athlètes plus axés sur le patinage récréatif de concentrer leurs efforts sur le patinage en équipe, les groupes de patineurs exécutant des mouvements à l’unisson sur la glace. Au début, ces performances étaient pleines de mouvements mignons… tapage de pieds, battements de mains et claques sur les hanches… se prêtant mieux à des spectacles éblouissants qu’à du patinage de qualité.

Mais tout cela était sur le point de changer. Lorsque les experts ont commencé à reconnaître le potentiel de ce nouveau sport, afin promouvoir un bon patinage sous une forme nouvelle et différente, le patinage de précision a suscité une attention bien méritée.

Jusqu’à ce moment, en dehors des tests jusqu’au niveau or, très peu de possibilités s’offraient aux concurrents non traditionnels, aucun milieu de compétition ne permettant de perfectionner les habiletés qui aident à promouvoir l’établissement d’objectifs, la persévérance, la créativité et le talent artistique. Pour de nombreux participants qui n’étaient pas dans le volet de compétition élite, le patinage ne menait à rien. Avec le patinage de précision, de nouvelles occasions d’avancer s’offraient tout à coup, redonnant vie au sport et accueillant un tout nouveau groupe de personnes, y compris des athlètes, des entraîneurs, des officiels et des bénévoles.

Durant les années 60, la popularité du sport s’est accrue au Canada et aux États-Unis, avec des compétitions et de nouvelles idées. C’était une période excitante de croissance et de développement rapide. Les équipes repoussaient les limites du patinage de précision en exécutant des programmes plus créatifs et novateurs. Progressivement, l’accent sur le type de contenu chorégraphique a aussi changé, déterminant et supprimant les clichés en faveur de l’ajout de mouvements difficiles et d’habiletés… autrement dit… dans le but d’améliorer la qualité du patinage.

Synchronized Skaters Podium.

Enfin en 1977, l’Ilderton Winter Club dans l’ouest de l’Ontario a accueilli la première compétition canadienne sur invitation de patinage de précision et, en 1983, tout près à London, les premiers Championnats nationaux de patinage de précision sanctionnés ont eu lieu. En tout, 60 équipes étaient inscrites à la compétition… 22 équipes se sont rendues à la finale. Un an plus tard, les États-Unis ont emboîté le pas au Canada et établi leurs propres championnats nationaux de patinage de précision.

À la fin des années 80, le Canada dominait sur la scène internationale, balayant le podium dans la catégorie senior, à la première compétition internationale de précision en Suède. Avec un succès aussi remarquable et l’attention internationale qui en a découlé, de plus en plus de patineurs enthousiastes souhaitaient se joindre au mouvement florissant du patinage de précision.

Black Ice. Synchronized skating team. 2000.Le patinage de précision commençait à faire fureur! Par conséquent, les pays devaient se hâter d’accroître les adhésions, d’établir plus de catégories pour diversifier la participation et convenir de règles clairement définies et de normes de compétition.

Malgré la croissance au Canada et aux États-Unis, il a fallu une autre décennie avant que l’Union internationale de patinage (ISU) ne reconnaisse le patinage de précision comme une discipline officielle du patinage artistique et, jusqu’à 1994, pour sanctionner les compétitions internationales. Ici au pays, en 1995, le Canada a accueilli son tout premier championnat international ISU de patinage de précision, les Internationaux de patinage de précision, à Toronto.

Peut-être le changement le plus important est survenu hors glace, quelques années plus tard, en 1998, quand le sport a officiellement changé son nom pour « patinage synchronisé », afin d’adopter une terminologie mieux comprise à l’échelon international. Ensuite, la croissance a été tellement rapide dans le monde entier que seulement deux ans plus tard, en 2000, aux premiers Championnats du monde ISU de patinage synchronisé officiels, tenus à Minneapolis, Minnesota, on comptait 21 équipes de 17 pays. L’équipe canadienne, black ice, est entrée dans l’histoire en remportant la médaille d’argent.

Nexxice. 2007.Depuis lors, les équipes canadiennes ont gravi dix fois les marches du podium, y compris en 2009 lorsque le Canada a atteint un autre jalon. Après plusieurs années de classement en troisième place, le Canada a finalement été médaillé d’or. L’équipe NEXXICE, du Club de patinage Burlington dans l’ouest de l’Ontario, entraînée par Shelley Simonton Barnett et Anne Schelter, a remporté la toute première médaille d’or du Canada, la seule médaille d’or que le Canada a gagnée à ce jour contre les pays nordiques actuellement dominants.

Aux Championnats du monde de cette année, les 10 et 11 avril, au FirstOntario Centre, à Hamilton… et avec l’avantage d’être à domicile… NEXXICE portera de nouveau la bannière du Canada en compétition, avec Les Suprêmes du CPA Saint-Léonard, au Québec.

Les deux équipes ont mérité cet honneur après avoir participé récemment aux Championnats de patinage synchronisé de Patinage Canada, à Québec, où NEXXICE a remporté un nombre sans précédent de neuf titres seniors consécutifs. NEXXICE et Les Suprêmes sont considérées comme des modèles de rôle pour les 800 autres patineurs des quarante meilleures équipes du pays concourant aux Championnats nationaux.

Rien d’étonnant, pour avoir ce genre de succès national et international, le patinage synchronisé est profondément ancré au Canada.

Cette année, 6 500 patineurs de 467 équipes étaient inscrits à tous les niveaux d’expertise au pays. Des débutants aux experts, pour le plaisir ou pour les médailles, patinant au pays ou à l’étranger, la participation au patinage synchronisé représente une bonne nouvelle pour tous! Il peut être aussi enjoué ou aussi compétitif que la motivation de chaque patineur.

Alors que les équipes de partout au monde cherchent à continuer à accroître le niveau du patinage pour parvenir à des normes étonnamment très élevées, tandis que plus de pays et de patineurs s’engagent, le sport approche un autre tournant décisif.

Le rêve de concourir aux Jeux olympiques pourrait être à l’horizon.

Baiser irlandais : un programme celtique émouvant de l’équipe de patinage synchronisé Nova rend hommage à une chef d’équipe bien-aimée


Juste avant le début de la musique, Nadine Tougas lève les yeux au ciel et envoie un baiser vers le firmament.

Ceci est devenu le mouvement chorégraphié caractéristique de la saison pour l’équipe de patinage synchronisé Nova, de la catégorie ouverte. Ce baiser, ce baiser irlandais sentimental, s’adresse à Linda McGirr.

« Chaque fois que nous l’avons fait, dans tous les programmes, c’était en souvenir de Linda », déclare la capitaine de l’équipe, Nadine Tougas.

« C’est pour elle. »

Il s’agit du plus long adieu au cours de cette saison des plus émouvantes de l’équipe québécoise Nova, un hommage durable à leur chef d’équipe de longue date, qui est décédée si soudainement, il y a un an.

Personne n’avait aucune idée. Quelques heures après que Nova soit rentrée après les Championnats de patinage synchronisé 2014 de Patinage Canada, en Colombie-Britannique, avec un quatrième titre consécutif dans la catégorie ouverte, Linda, professeure bien-aimée qui avait consacré ses temps libres à Nova depuis plus d’une décennie, a dit à sa famille qu’elle se sentait inhabituellement fatiguée.

« Durant les compétitions, elle était toujours la dernière couchée et la première levée, elle faisait toujours quelque chose pour l’équipe », signale Marie-France Sirois, entraîneure et chorégraphe de l’équipe. « C’était simplement qui elle était. Nous avons pensé que c’était la raison pour laquelle elle était fatiguée. Nous n’avons jamais cru que ce serait autre chose. »

Linda est allée voir le médecin pour ce qu’elle pensait être un examen de routine.

Plutôt, elle a appris la nouvelle dévastatrice qu’on lui avait diagnostiqué un cancer du foie de stade 4 et qu’il ne lui restait que peu de temps.

Linda McGirr n’est jamais retournée chez elle. Elle s’est plutôt rendue directement à l’hôpital. Un mois plus tard, elle était décédée, seulement âgée de 51 ans.

Linda McGirr

« La dernière chose qu’elle a faite dans sa vie était pour cette équipe », ajoute Marie-France. « C’est combien elle nous aimait. C’est combien elle aimait cette équipe. »

« Nous n’avons même pas eu la chance de lui dire au revoir. Nous pensions honnêtement que nous avions encore beaucoup de temps avec elle… »

Linda semblait avoir un profond effet sur tous ceux qu’elle rencontrait, que ce soit ses élèves au Champlain College Saint-Lambert, où elle a enseigné pendant plus de 30 ans, ou ses familles de patinage au CPA Brossard et au Club de patinage synchronisé Nova. Même après que sa fille, Caroline, cesse de patiner avec Nova, il y a quelques années, Linda a resserré ses liens avec l’équipe.

Durant ses derniers jours, Linda a été réconfortée par la musique celtique, qu’elle avait écoutée toute sa vie. Sa lutte a été brève, mais courageuse.

Puis, elle est disparue.

À ses funérailles, on a joué plusieurs des chansons irlandaises préférées de Linda, dont Danny Boy. Alors qu’elle luttait pour retenir ses larmes, Marie-France s’est trouvée fascinée par la musique.

« C’était une journée tellement triste, mais cette musique… », dit Marie-France, à propos des funérailles, avant de faire une pause.

« Une musique magnifique pour une magnifique personne. Ce fut à ce moment que j’ai décidé que nous allions l’honorer avec notre programme. »

Sans avoir la chance de faire un dernier adieu à Linda, Nova a créé son propre au revoir, comme l’équipe le voulait, avec sa musique, son programme et durant sa saison.

Marie-France, cherchant à trouver cet équilibre parfait pour leur programme de quatre minutes, a commencé à écouter de la musique irlandaise, jour et nuit. Une fois qu’elle a sélectionné les chansons, elle a contacté Hugo Chouinard, renommé dans le milieu du patinage pour sa maîtrise de la conception de musique, afin de créer un pot-pourri qui commence par une émouvante interprétation celtique d’Amazing Grace et se termine par un numéro de Riverdance qui fait taper du pied.

Après le montage de la musique, Marie-France s’est tournée vers la célèbre modéliste québécoise, Josiane Lamond, pour la confection des tenues d’inspiration celtique de l’équipe. Elle a également eu recours au danseur irlandais montréalais, Martin Côté, qui s’est produit dans le monde entier, pour travailler avec son équipe.

Le produit final était une œuvre exquise de quatre minutes, qui a amorcé un hommage d’un an, se terminant par le cinquième titre national consécutif de Nova dans la catégorie ouverte aux championnats tenus, il y a deux semaines, à Québec.

« C’était très émouvant et les gens nous ont dit que nous avions pu transmettre l’émotion de ce programme », ajoute Nadine Tougas. « Je n’oublierai jamais ce moment. »

« Linda nous a inspirés jusqu’à la fin », admet Nadine. « Chaque fois que nous avons exécutée le programme, nous lui avons fait savoir : ceci est pour toi, bon spectacle! »

Baiser irlandais l’équipe de patinage synchronisé Nova

« Elle aimait célébrer la Saint-Patrick et aimait tout ce qui était irlandais », a soutenu Marie-France, ajoutant qu’elle était toujours inspirée par le célèbre programme Riverdance de Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz. « Son sens de l’humour l’a aidé à devenir la personne qu’elle était. Elle nous faisait toujours rire.

« Je souhaite seulement que nous ayons fait ce programme lorsqu’elle était encore là avec nous. »

« Ce fut très émouvant, mais nous voulons que les gens se souviennent d’elle, parlent d’elle et sachent ce qu’elle signifiait pour nous », poursuit Marie-France. « Je dis toujours aux patineuses de patiner pour elles-mêmes, pas pour leurs parents, pas pour moi, mais pour elles‑mêmes. »

« Cette saison, c’était différent. Il manquait quelque chose. Elles patinaient aussi pour quelqu’un d’autre. »

Dans la ville de Québec, pour les championnats nationaux, leur premier sans Linda, Nova a collé une photo de leur chef d’équipe bien-aimée sur chacune des portes des chambres d’hôtel de l’équipe.

Le dernier jour d’entraînement, alors que Nova faisait sa dernière répétition sur sa plus grande scène de la saison, un oiseau a plané, seul dans la patinoire, décrivant des cercles, haut au-dessus de la glace, pendant quelques minutes.

Le moment n’a pas échappé à qui que ce soit.

« Quelqu’un a dit « c’est elle. Elle est là » », fait remarquer Marie‑France.

« C’était presque comme un signe qu’elle était encore avec nous. »

Certaines choses ne devraient tout simplement pas changer.

Cinquante ans plus tard : Petra Burka, championne du monde de 1965

On ne dirait pas que 50 ans se sont écoulés, affirme Petra Burka, championne du monde de 1965, à propos de sa réussite mémorable, il y a presque une éternité. Quelqu’un lui a envoyé des fleurs et de bons vœux. Une célébration a lieu à Toronto aujourd’hui. Les années ont filé très rapidement. Pourtant, Petra a toujours l’air jeune. « Je pense que parce que je travaille beaucoup avec des enfants, je ne me sens pas vieille », dit-elle, exerçant toujours les fonctions de chef d’équipe et d’entraîneure.

Elle se souvient peu du jour de sa superbe victoire, il y a 50 ans. Mais elle se souvient qu’elle et sa mère, l’entraîneure Ellen Burka, se sont regardées lorsqu’elles ont entendu que Petra avait gagné. « Je pense qu’elle était plus heureuse que moi », a soutenu Petra. « J’étais sous le choc. » Elle avait remporté les figures et le style libre haut la main.

D’une certaine façon, sa capacité innée d’exécuter des sauts lui a coûté. Elle avait acquis cette habileté à un moment où les patineurs n’avaient pas le genre de soutien qui est offert aujourd’hui. L’an dernier, elle s’est fait remplacer une hanche. L’impact sur sa jambe, pendant qu’elle travaillait les doubles et triples sauts, a eu un effet néfaste. « C’est caractéristique du patinage », dit-elle. « Je pense que vous trouverez un grand nombre de patineurs, de danseurs et d’athlètes qui ont besoin de remplacements de hanches. C’était mon pied de réception. Maintenant, des programmes sophistiqués vous permettent d’échauffer votre corps afin de ne pas vous blesser. »

À l’époque de Petra, il y n’avait aucune science ou assistance. À ce moment, les patineurs ne faisaient pas de travail hors glace. Elle partait de l’école pour se rendre à la patinoire, chaussait ses patins et exécutait ses sauts. Chose étrange, Petra n’a jamais subi des blessures pendant qu’elle concourait. Et, à l’instar de bien d’autres choses dans sa vie, il n’a pas été facile pour elle de se remettre de la chirurgie de sa hanche. L’appartement dans lequel elle vit, dans une maison aux couleurs d’orchidée conçue par sœur architecte Astra, l’oblige à gravir 45 marches jusqu’à son logement ensoleillé.

Petra a été la première patineuse de niveau international d’Ellen et ensemble elles ont appris les rouages du métier. Pour sa mère, maintenant âgée de 93 ans (elle a toujours son permis de conduire), beaucoup d’autres patineurs ont suivi. Ellen Burka a enseigné à des patineurs qui ont participé à sept Jeux olympiques et remporté 48 médailles internationales. Petra a ouvert la voie, s’entraînant souvent seule, tandis que sa mère célibataire travaillait pour les faire vivre. Il y a cinquante ans, les patineurs n’obtenaient aucun financement pour s’entraîner et leur capacité de gagner de l’argent était restreinte. La règle à l’époque était que si les patineurs gagnaient plus de 25 $ en une saison, ils seraient bannis des rangs amateurs pour de bon.

« Après les Championnats du monde, nous participions à des spectacles partout en Europe et en Amérique du Nord, sans aucune rémunération », a signalé dit Petra. Bien que le voyage de Petra pour se rendre à ses premiers championnats du monde à Prague, en 1962, ait été payé par l’association de patinage, Ellen a dû acheter son propre billet. Pendant son absence, elle perdait les revenus des leçons manquées. Au premier championnat canadien de Petra à Regina, elle et sa mère ont dégusté leur propre déjeuner des champions – une boîte de fèves sur une assiette de salle à manger de l’hôtel – parce que sa mère ne pouvait se permettre les biftecks. N’oubliez pas que les femmes n’avaient pas le droit de faire de demande de carte de crédit à l’époque.

À ce moment, les patineurs n’avaient pas le luxe d’aller à une école de sports qui tenait compte des exigences de l’horaire d’un athlète. Petra se rendait à la patinoire pour 6 h et faisait quatre heures de figures et deux heures de patinage libre par jour et ratait sa première période de classe à l’école. Entre janvier et mars, elle allait rarement à l’école à cause de ses voyages. L’école exigeait que Petra subisse néanmoins ses examens et elle devait étudier hâtivement pour se rattraper. Heureusement, elle a une mémoire photographique qui lui permettait de retenir l’information. L’année qu’elle a remporté les Championnats du monde, elle a obtenu 49 sur 50 à un examen sur la santé, mais zéro pour l’élément d’éducation physique du cours – parce qu’elle n’était jamais là.

Il n’a pas fallu longtemps pour que les Russes remarquent la capacité supérieure de sauts de Petra à ses premiers championnats du monde, en 1962. Lors d’une tournée qui a suivi, elle a reçu un télégramme de la Fédération de Russie, demandant si elle et sa mère pouvaient aller à Moscou pour présenter des séminaires de patinage. « Ils voulaient savoir comment ma mère avait enseigné à « cette fille qui pouvait faire les sauts » », a dit Petra. « Quel est le secret? »

À Prague, les Russes avaient pris leurs passeports. Ellen était tout naturellement nerveuse, sans aucun document en main dans un pays communiste. Enfin, elles sont montées dans un avion-cargo sans sièges pour se rendre à Moscou. Ellen s’est calmé les nerfs en buvant de la vodka. « Je me souviens que l’avion ait volé très bas et largué du courrier ou autre, puis poursuivi son parcours », a fait remarquer Petra.

Après sa carrière amateur, Petra a participé pendant trois ans à la tournée de Holiday on Ice, les deux dernières années en Europe. C’était un choc culturel pour Petra, habituée à s’entraîner, ne jamais sortir, ratant son bal des finissants. Ils ont aussi présenté des spectacles à guichets fermés pendant un mois à Paris et Amsterdam. Imaginez un peu, près d’une patinoire à Paris, il y avait 10 caravanes, où habitaient les participants et l’équipe du spectacle avec leurs conjointes et leurs chiens. Petra aurait pu y passer deux autres années, mais elle a décidé qu’elle ne voulait pas vivre une vie interminable de carnaval avec « tous ces gitans qui restent à jamais ».

Petra s’hébergeait surtout dans des hôtels moins chers en Europe (les patineurs payaient pour leur hébergement) parce que c’est là où se trouvaient ses amis. Un soir, elle a été prise au dépourvu. Pendant qu’elle faisait le trajet de la France à l’Espagne, Petra s’est arrêtée pour regarder Neil Armstrong mettre le pied sur la Lune en 1969, sur un tout petit écran de télévision quelque part en campagne. Quand Petra est enfin arrivée à Madrid, le soleil se levait sur la ville et sa chambre avait été prise. C’est la seule fois où elle s’est hébergée dans un hôtel cinq étoiles au cours de sa carrière.

Elle est retournée à Toronto avec une armoire de vêtements haute couture et une Mercedes 250 SL, qui n’a pas fait long feu, et s’est retrouvée au milieu d’un autre choc culturel. Pendant son absence, les hippies s’étaient multipliés et portaient tous des robes vaporeuses et des fleurs dans leurs cheveux. « Nous étions des yuppies avant même qu’ils n’existent », a soutenu Petra. Elle a dû s’adapter au monde réel. « Il m’a fallu 40 ans pour m’en remettre », dit-elle en riant.

Avec l’argent qu’elle avait gagné durant les tournées, elle a acheté un réfrigérateur à sa mère. « Je veux m’assurer de que ma mère soit reconnue », dit Petra. « Elle a eu une vie assez difficile. Elle devait faire le trajet entre trois clubs pour gagner sa vie. Ma mère a joué un rôle-clé dans mon succès. C’est grâce à elle que je suis devenue une championne. »

« Je suis heureux de faire de mon mieux » : les athlètes olympiques spéciaux incarnent l’esprit et la passion du sport

Frères en quelque sorte, Matthew Lai est blotti à côté d’Eric Pahima, son coéquipier de C.-B. aux Jeux olympiques spéciaux, sur le banc du lieu réservé aux étreintes et aux larmes, à ces Jeux d’hiver du Canada, regardant discrètement les deux roses qui se trouvent dans la main droite de son ami.

Avec un peu de tristesse dans sa voix, presque inaudible, Matthew se penche vers lui et dit : « Je n’ai pas eu de fleurs. »

Sans pause, immédiatement après avoir entendu ces paroles, Eric prend une fleur et la tend à son ami.

« Tu peux en avoir une des miennes. »

Figure skater.

Instantanément, les deux visages s’illuminent d’un grand sourire. Ils s’étreignent. Autour d’eux, ceux qui sont témoins de cet acte spontané de gentillesse se regardent l’un l’autre comme pour dire « je vous défie de ne pas pleurer ».

Il n’y a guère de doute et on ne pourrait nier que ces athlètes olympiques spéciaux représentent le véritable esprit de ces Jeux d’hiver du Canada.

Il va sans dire que le patinage artistique, de par sa nature, est un sport plein d’émotions. Les sourires et les larmes, les rires et les câlins résident dans son âme.

Mais, ces concurrents ont tous le sourire aux lèvres et nous montrent ainsi pourquoi nous aimons le sport, pourquoi nous les acclamons et les applaudissons. Non seulement pour les médailles remportées, mais pour avoir osé rêver, être témoins de triomphes personnels et de persévérance.

Les larmes? C’était pour tous les autres dans l’édifice.

Figure Skater.

Credit: Dyanne Dimassimo

« Voilà en quoi consiste le sport – des athlètes qui font de leur mieux », a déclaré Brittany Baril, entraîneure de l’équipe de Terre-Neuve-et-Labrador pour les Jeux olympiques spéciaux. « C’est ce que nous montrent ces athlètes. Ne ménager aucun effort et faire de son mieux. Rien d’autre n’importe vraiment. »

« Il arrive de temps à autre à chacun de nous de perdre notre passion en cours de route. Ces athlètes nous rappellent combien il est important de garder cette passion. Ils l’ont toujours. »

« C’est parfois difficile de se ressaisir », ajoute Brittany. Sa voix commence à trembler et elle doit prendre une respiration.

« C’est un lien unique que nous partageons et c’est très gratifiant », ajoute-t-elle après une pause. « À titre d’entraîneur, on veut simplement enseigner l’amour de patinage et donner quelque chose en retour. C’est de ça qu’il s’agit. L’amour de patinage, peu importe le niveau. »

Tout comme Brittany, l’entraîneure en chef de patinage artistique de l’équipe de Colombie-Britannique pour les Jeux olympiques spéciaux, Jessica Chapelski a essuyé sa juste part de larmes durant ces Jeux. « « J’ai perdu le compte de combien de fois j’ai pleuré », admet Jessica. « Je n’essaie même plus de compter. »

« Ces athlètes méritent d’être ici, méritent de faire partie de cette équipe et ceci représente tout pour eux. Ils sont applaudis. Ils se sentent libres. »

Figure Skater.

Credit : Dyanne Dimassimo.

Se trouvant aux côtés de Michael Sumner, un de ses athlètes de l’équipe du Yukon, l’entraîneure Michelle Semaschuk trouve aussi difficile de maîtriser ses émotions. Pendant qu’elle parle, les larmes lui montent aux yeux et elle s’arrête, emportée par l’émotion du moment.

Tel un signal, Michael se penche vers son entraîneure et l’étreint chaleureusement, pour la réconforter.

Il semble que les étreintes sont obligatoires ici.

« Voir cette camaraderie, cette persévérance peut être difficile à gérer », admet Michelle. « On peut constater la passion, l’amour dans leurs yeux. Michael continue à se développer et à devenir ce merveilleux jeune homme, avec le plus grand cœur que vous ne verrez jamais. »

« Ce fut une expérience formidable pour tous nos athlètes », a soutenu Cathy Skinner, de l’équipe de l’Ontario. « C’est incroyable. Voir la foule, même les juges, les applaudir et les acclamer signifie tout pour ces athlètes. Ils sont tous amis. Ils veulent s’asseoir ensemble. C’est juste une expérience de vie que la plupart d’entre eux n’ont jamais eue. Ils n’ont pas de larmes. Ils n’ont que des sourires. S’ils n’ont pas gagné, un de leurs amis a été victorieux. »

« Nous pourrions tous apprendre d’eux. »

« Comme les autres concurrents, Matthew Lai aime se produire et il adore le temps passé au centre de la glace. Suite à ses performances à ces Jeux, il a levé les bras vers le haut en triomphe lorsqu’il a quitté la glace, savourant l’adulation de la foule, à ce moment qui lui appartenait.

Canada Winter Games. Athlete and coach.

« J’aime quand la foule applaudit Matthew et ses éléments », dit-il.

« J’applaudis pour le drapeau de la Colombie-Britannique. Je suis heureux de faire de mon mieux. »

Il s’avère en fin compte que Matthew quittera ces Jeux avec une médaille d’or. La médaille, comme sa note, ne semble pas être importante.

Ce qui compte le plus, c’est qu’il part avec ses amitiés. Ses souvenirs. Et sa fleur.