Un patineur de 52 ans en quête de l’or aux Championnats nationaux

Pour la plupart des enfants canadiens, l’apprentissage du patinage est un rite de passage.

Toutefois, ce ne fut pas le cas pour Jeffrey Morden, natif de Fergus, en Ontario. Sa passion pour le patinage s’est manifestée beaucoup plus tard.

« En quatrième année, ma famille a quitté Fergus pour s’installer sur une ferme près de l’autoroute 6. Quand mes parents allaient travailler, ils nous faisaient garder en ville où les écoles étaient à distance de marche. Parfois, après l’école, ma gardienne me mettait des patins et je marchais sur le trottoir jusqu’à la patinoire, à quelques rues de chez elle. Je ne savais pas qu’il fallait porter des protège-lames! »

Jeffrey n’a pas suivi des leçons de patinage dans son enfance, mais d’autres sports ont meublé son quotidien.

« Lorsque j’étais jeune, j’aidais mon père qui était éleveur et coureur de chevaux de race Standardbred. Quand mon cousin a commencé à monter des chevaux, ce que je désirais faire aussi, j’ai commencé à suivre des leçons d’équitation à mon dixième anniversaire. Je raffolais tellement de cette activité que durant mon adolescence j’ai pris part à des compétitions dans la catégorie junior, puis au triathlon équestre et finalement aux championnats nationaux canadiens de Pony Club. »

Pendant ses études secondaires et toutes ses années de course équestre, Jeffrey s’est passionné pour la musique et a participé à une fanfare, à une chorale, à des comédies musicales scolaires et, son favori, à un groupe de musique pop contemporaine du nom de Surge. « Surge remportait un grand succès à mon école… Surge, c’était comme ABBA »!

Puis, en douzième année, son école s’est lancée dans une première grosse production, Guy and Dolls. Ce fut un tournant pour Jeffrey.

« À l’époque, je continuais à participer à des concours équestres, et, comme je me préparais à passer un examen au Pony Club, je n’avais pas le temps d’auditionner pour le spectacle. »

Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait pas d’intérêt pour le spectacle et, en fait, il se sentait tellement exclu que son professeur de chant a demandé au directeur de lui faire passer une audition à la dernière minute. Le directeur a été charmé et lui a immédiatement donné un rôle pour le spectacle de cette année-là et lui a confié l’année suivante le rôle de l’avocat Louie Loser dans Jacob Two-Two and the Hooded Fang.

jeffrey-morden-costume-designPendant son année terminale, plus que jamais passionné de musique et de théâtre, Jeffrey savait qu’il arrivait à la croisée des chemins et qu’il devrait prendre une grande décision à l’issue de la remise des diplômes. Poursuivrait-il une carrière équestre ou ses études?

« J’ai choisi l’université, admet Jeffrey. J’ai fini par m’inscrire à la School of Dramatic Art à l’université de Windsor dans une majeure en conception de décors et de costumes ». Mais un an plus tard, conscient qu’il avait des talents cachés qu’il n’avait pas encore explorés, il s’est inscrit au volet performance.

« J’ai suivi des cours de voix à l’école de musique, j’ai joué dans des pièces à l’école d’art dramatique et j’ai fait des cours de danse dans tous les studios de la ville. »

Il était loin de se douter qu’une autre discipline, le patinage, l’attendait en coulisse.

« Pendant mes années d’études à l’université, je regardais le patinage à la télévision. Il y avait quelque chose dans ce sport qui touchait une corde sensible. Comme il y avait une patinoire à deux pâtés de maisons de mon appartement, j’ai décidé de faire un essai. J’ai acheté chez Goodwill de vieux patins, je les ai teints en noir et j’ai cherché dans l’annuaire un endroit où je pourrais les faire affûter. Quand je les ai apportés à la boutique de patinage artistique, les gens les regardaient, incrédules… car personne ne pouvait décemment patiner sur ces patins! »

Et dans le plus pur style « Jeffrey », il a parlé avec le propriétaire de la boutique. « En échange d’une paire de patins usagés pour hommes, je vous offre de perler des robes et de créer des modèles. Cette année-là, j’ai même perlé la robe de la patineuse en couple internationale Denise Benning! »

À la fin de ses études, Jeffrey envisageait de déménager à Toronto. La première chose qu’il a faite après s’être installé a été de trouver un club de patinage et un entraîneur, d’abord au West Toronto Figure Skating Club, puis au Moss Park Skating Club. « J’ai étudié la danse et les figures, j’ai commencé à passer des tests et j’ai réussi mon premier test préliminaire de style libre quatre mois plus tard… et je suis fier de dire que mon programme contenait deux sauts Axel! »

C’était un début merveilleux pour un patineur adulte de 24 ans, mais quand Jeffrey a commencé à obtenir plus de contrats de chanteur, danseur et acteur, il a dû reléguer le patinage au second plan. Pendant toutes ses années sur la route, donnant des performances en salle et sur des bateaux de croisière, il n’oubliait pas pour autant le plaisir de patiner et il profitait souvent des heures de répétition pour conserver sa mémoire musculaire du patinage.

jeffrey-morden-stage-performance« On me voyait souvent exécuter des sauts hors glace pendant les répétitions, au gymnase ou lors d’un échauffement avant un spectacle. Il m’arrivait à l’occasion de faire discrètement un saut ici et là pendant un spectacle. Je faisais un joli double saut de boucle dans l’adage de Summertime pendant Birth of the Blues sur une croisière de la Hollande en Amérique, mais sans plus. Je n’ai pas fait de patinage en public ou été invité pendant toutes ces années, sauf à une occasion à Singapour où je me suis présenté à une patinoire qui était malheureusement fermée ce jour-là. »

Passons vite les deux décennies suivantes pour arriver en 2011, au moment où Jeffrey renoue avec le patinage. « Un jour, alors que j’enseignais dans une école privée à Guelph, mon amie Lisa me dit : “Tu sais, il existe maintenant des compétitions pour les adultes.” Je suppose que je peux la blâmer de ma passion de concourir et de subir des tests dans la cinquantaine. »

Et il a fait tout un retour, avec la détermination farouche d’apprendre, de devenir un juge, de concourir et de partager ses connaissances de l’art de la performance.

Sur la glace, Jeffrey continue à s’entraîner en vue de tests et de compétitions. Il a atteint son but de réussir les danses du test junior bronze, le test senior bronze de style libre et le test or artistique. Il a remporté du succès en terminant en seconde place l’an dernier aux Championnats nationaux pour les adultes dans l’épreuve or de style libre chez les hommes et l’épreuve d’interprétation bronze chez les hommes. Cette année, à Calgary, il sera de retour aux Championnats nationaux pour les adultes comme représentant du Elora and District Skating Club où il cherchera à décrocher la première place sur le podium.

Il partage aussi de plus en plus ses connaissances sur l’art de la performance. « J’ai toujours affirmé que les patineurs sont jugés sur une chose pour laquelle ils n’ont aucun entraînement. Je crois que le fait que je sois un patineur, et maintenant un juge, en plus de mes années d’entraînement et d’expérience de la performance, m’autorise à partager beaucoup de connaissances. »

jeffrey-morden-nutcraker-performanceL’enseignement aux patineurs de la forme théâtrale et de son impact lui a déjà ouvert des portes. « Cet été, je travaillerai à Toronto pour la troisième année avec Carol Lame au Ice Dance Elite. En été, des patineurs du monde entier viennent suivre des ateliers avec Carol. J’ai eu le plaisir de travailler avec des équipes de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie, de la République tchèque, de même qu’avec des équipes canadiennes juniors et seniors fantastiques. »

Travailler hors glace avec des patineurs de compétition, donner des cours de performance et aider à mieux saisir les personnages et les intrigues témoignent de l’admiration que Jeffrey porte à un sport qu’il qualifie de combinaison d’athlétisme et d’art. Il a aussi le sentiment que le sport est à bien des égards un miroir de la vie.

« Il y a tellement de choses qui se recoupent. Que ce soit la gestion du temps, la vie saine ou l’apprentissage d’une nouvelle habileté, nous appliquons réellement les habiletés acquises sur la glace à notre vie quotidienne. »

Jeffrey souligne également que nul besoin d’être jeune pour patiner. « En vieillissant, c’est un sport sans impact formidable à pratiquer. Les seules poussées-élans de base améliorent l’équilibre, la force centrale, la coordination, le tonus musculaire et l’appareil cardiovasculaire. Si vous ajoutez la musicalité en utilisant toutes les parties du corps pour créer des formes, vous créez une activité d’un tout autre niveau. »

Son attitude est contagieuse.

« Après 12 ou 13 heures de jugement d’épreuves, tout le monde dit “J’ai besoin de prendre un verre” et je leur réponds invariablement “J’ai passé la journée à regarder des gens patiner, mais maintenant, je veux patiner!”

« Le problème toutefois est que je reste assis à regarder les patineurs en me disant que je n’ai que 52 ans et que je peux encore apprendre à faire telle chose. »

Calgary… Championnats nationaux pour les adultes… à vos marques!

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