Elladj Baldé trouve son quadruple saut à Detroit
Beaucoup a changé depuis l’enfance d’Elladj Baldé, qui cachait ses patins dans un placard pour éviter que sa mère ne le talonne pour qu’il aille patiner.
Il semblerait à présent que le patineur âgé de 22 ans et né en Russie (il est venu au Canada à l’âge de deux ans), aspire à l’une des trois places pour les hommes canadiens aux Jeux olympiques, si on en juge par sa performance intrépide aux Internationaux Patinage Canada, à Saint John, N.-B.
C’était un moment attendu depuis longtemps. Elladj s’est avéré prometteur lorsqu’il a remporté le titre junior au Canada en 2008, mais des résultats décevants et la perte d’une année en raison de chirurgie pour réparer un ligament croisé antérieur déchiré ont relégué son nom aux oubliettes.
À Saint John, il a terminé septième au classement général (sixième dans le programme court), mais il était clair que le patineur sociable avait adopté une nouvelle attitude – et il est arrivé armé d’un quadruple saut, le mot magique de cette année en patinage masculin. Il n’allait pas y aller à la légère avec son gros truc : il prévoyait l’exécuter dans les programmes court et long. Beaucoup le feraient petit à petit, le tentant dans l’un ou l’autre.
Et, lorsqu’il a réussi le premier quadruple saut de sa carrière dans le programme court à Saint John, il a ajouté un double saut piqué à la fin, malgré avoir mis une main sur la glace durant le gros saut. Son premier quadruple saut – et il l’a exécuté dans une combinaison. « C’est un gros atout pour moi », a‑t-il affirmé.
Ce que la foule ignorait, c’est qu’Elladj avait accompli cet exploit en patinant sur deux patins différents. Il s’était procuré de nouveaux patins quatre semaines avant l’événement, mais chaque fois qu’il les portait, il faisait une chute à son triple Axel, un saut qu’il avait exécuté sans faute. « J’ai été pris de panique », a-t-il avoué. Peu importe que ce soit le programme court ou le programme long, il ne pouvait le réussir. Lorsqu’il a regardé le patin, il s’est rendu compte que la lame ne se trouvait pas au bon endroit et causait une contorsion de son corps dans les airs. Il était tellement frustré que quelques jours avant l’événement, il a cru qu’il ne pourrait concourir de cette façon.
Il était prêt à essayer n’importe quoi. Il a essayé de patiner avec son nouveau patin rigide sur le pied droit et son vieux patin souple et usé sur son pied gauche. Il a réussi son triple Axel et commencé à embrasser ce vieux patin.
Elladj sait qu’il aura besoin de nouveaux patins. Il patine aussi avec un bandage aux genoux, parce qu’il souffre de tendinite dans les deux genoux.
Deux choses ont mis Elladj sur la bonne voie. L’une d’entre elles? Sa profonde déception à propos de ses efforts aux Championnats des quatre continents ISU de patinage artistique 2013, où il a terminé seulement en 18e place dans sa première apparition à l’événement. Il s’était taillé une place à l’événement en raison de son classement en quatrième place aux championnats nationaux. « Je savais que je ne pouvais pas perdre de temps », a signalé Elladj. « Beaucoup de bonnes choses sont ressorties [des Championnats des quatre continents], mais beaucoup de choses devaient changer. » À son retour, il a tout changé.
L’autre? Patrick Chan est devenu membre de son club, à Detroit. Toujours amis, Patrick et lui sont devenus meilleurs amis à Detroit. Ils s’entraînent ensemble. Ils passent du temps ensemble. Elladj va à l’appartement de Patrick et vice versa. Leurs entraîneurs travaillent ensemble. Elladj s’entraîne hors glace à faire quelques mouvements de danse que Patrick a appris de Kathy Johnson. Patrick s’entraîne mieux que jamais, avec Elladj dans la patinoire.
« J’ai tellement appris de lui, seulement à le fréquenter, par exemple comment être un champion du monde », a fait remarquer Elladj. « Il fait les choses de façon semblable à bien d’autres gens, mais les petites choses, comme ses habitudes alimentaires, font une différence. Il est le meilleur partenaire d’entraînement qu’on ne pourrait jamais avoir. »
Alors qu’Elladj avait l’habitude de consommer des aliments prêts à manger, Patrick l’a incité à manger du riz sauvage et du quinoa. Pendant trois semaines, Elladj a demandé à Patrick : « Combien de pelletées de quinoa manges-tu?”
Patrick lui répondait : « La pelletée de quinoa que je fais cuire me dure toute la semaine. »
Elladj : « Bon Dieu, je mange une pelletée de quinoa TOUS LES JOURS. Et, c’est un peu croquant. »
Patrick le regardait faire la cuisine et a remarqué qu’Elladj ne le faisait pas cuire correctement, mais il ne disait rien « parce que c’est sa façon ou rien », a-t-il dit. Elladj a mystérieusement pris du poids.
Finalement, l’entraîneure de Patrick, Kathy Johnson est intervenue pour dire à Elladj qu’il ne faisait pas cuire son quinoa assez longtemps. « Son quinoa est devenu léger, Elladj l’a mieux aimé et il a perdu six livres », a ajouté Patrick.
Depuis les Championnats des quatre continents, Elladj a changé sa façon de penser à l’entraînement. Il a plus de séances sur la glace que jamais. Il travaille plus hors glace que jamais. Il accorde plus d’attention aux détails de la technique de saut. Il obtient assez de sommeil. Il pensait tout d’abord travailler ce quadruple saut, mais tous ses sauts sont aussi devenus plus uniformes, sous l’œil attentif de Yuka Sato et Jason Dungjen, deux entraîneurs qui font régner le calme à la patinoire.
Elladj a réussi un quadruple saut pour la première fois l’an dernier durant l’entraînement, mais échouait toujours par la suite. En mai dernier, il a finalement réussi un quadruple de nouveau, une réussite qui s’est répétée maintes et maintes fois. « Depuis, tout va assez bien », affirme Elladj. « Il y a toujours des hauts et des bas parce qu’il n’y a même pas encore un an que j’ai commencé à l’exécuter. On prend de plus en plus de confiance chaque fois qu’on le fait. »
Mais, par-dessus tout, Elladj se rend compte que l’ardeur au travail est la seule réponse. « Il n’y a rien d’autre », soutient-il. La seule chose, c’est l’ardeur au travail, c’est de croire et de ne jamais abandonner. C’est tout. Il n’y a pas de solution miracle. Il ne donne rien d’espérer que quelque chose arrivera. »
En ce qui concerne Patrick, il voit Elladj traverser ce qu’il a lui-même traversé avant les Jeux de Vancouver, tâtant toujours le terrain, essayant la ligue majeure. « Dès que je suis arrivé à Detroit, je voulais beaucoup aider Elladj, parce qu’il a un grand cœur », a fait observer Patrick. « Je l’aime beaucoup comme ami. Il a tellement de potentiel. »
Beverley Smith
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