Le chorégraphe Mark Pillay crée des programmes gagnants
Ce fut toujours de même pour Mark Pillay, dès son enfance à Moose Jaw, en Saskatchewan – lorsqu’il entendait de la musique, il y trouvait une structure. Il bougeait et concevait dans les airs, un enfant qui s’amusait plus avec la forme et les sentiments que les valeurs nominales.
Il n’avait aucune idée que ce genre de chose deviendrait l’œuvre de sa vie. À présent, le Canadien âgé de 35 ans est un chorégraphe dont la réputation s’accroît dans le monde. Il est responsable du programme court audacieux et du style libre plein d’émotions qui ont permis à Kirsten Moore-Towers et Dylan Moscovitch de se retrouver directement au nombre des meilleures équipes au monde la saison dernière, et d’autres chorégraphies, dont celles d’Emanuel Sandhu, de Richard Dornbush, des médaillés d’argent allemands en patinage en couple Mari Vartman et Aaron Van Cleave, de l’étoile naissante américaine Karen Chen et du jeune virtuose canadien Roman Sadovsky.
À Moose Jaw, Mark a été persuadé d’essayer le patinage par sa voisine, Jana Beasley, qu’il affirme être complètement responsable de son engagement envers le patinage artistique et le piano. Ils ont formé une équipe de danse, mais lorsqu’elle a grandi, contrairement à Mark, il s’est concentré sur le patinage en simple masculin. À ce moment, il invitait ses voisins à venir voir ses créations chorégraphiques dans son salon, sur sa trampoline et dans la piscine. En Saskatchewan, il s’est entraîné avec Betty Calvert, la femme du premier ministre à l’époque, Lorne Calvert, et avec Dale Hazell, puis plus tard à Calgary avec Sharon Lariviere, qui lui a appris l’esthétique du sport et de la danse, et finalement à Vancouver avec Joanne McLeod. Mark s’est finalement retiré de la compétition après les Championnats canadiens de 2001, à Winnipeg, mécontent d’une carrière de patinage qui ne lui avait pas vraiment donné ce qu’il avait imaginé. Son corps ne pouvait accomplir ses visions. Maintenant, il ressent une catharsis du fait qu’il peut aider les autres à réussir ce qu’il ne pouvait pas.
Les années post-compétition ont été difficiles. La plupart des patineurs peuvent en témoigner. « J’étais manifestement perdu pendant quelque temps », affirme Mark. Le fils d’un père né en Afrique du Sud et d’une mère britannique, Mark a fait ses études à l’Université Simon Fraser, mais s’est tortillé sur sa chaise, n’étant pas habitué de s’asseoir sans bouger pendant si longtemps. Pour résoudre ce problème, il a commencé à étudier la danse contemporaine à l’université. Il traînait toujours dans les patinoires, ce qui était utile. C’est là où ses amis se trouvaient, les gens qu’il connaissait. Un jour, alors qu’il bougeait au son de musique, un parent, Jan McRae, l’a abordé sur la glace et lui a demandé s’il voudrait bien chorégraphier des programmes pour son fils, Joshua. Étant donné que ce patineur novice pouvait déjà exécuter quelques triples sauts, Mark a commencé à un niveau relativement élevé du sport.
« À partir de ce jour-là, ça n’a jamais cessé », déclare Mark. « Ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi. C’est curieusement quelque chose qui m’a trouvé. »
Il n’avait amorcé sa nouvelle carrière que depuis environ deux ans, lorsqu’il a chorégraphié le programme long d’Emanuel Sandhu – durant la saison olympique de 2006, une énorme responsabilité. Mark était stupéfait de l’acuité visuelle d’Emanuel pour le mouvement. « Il me regardait simplement et, sans avoir même bougé, il savait exactement comment immédiatement l’exécuter », Mark a signalé. « Je ne pense pas avoir jamais rencontré une personne comme lui. Il pouvait apprendre le mouvement très rapidement et non pas en m’imitant. Il n’avait qu’à regarder pour pouvoir l’accomplir. »
Déjà, Mark démontrait son aptitude caractéristique : trouver de la musique pour les patineurs que personne n’avait jamais entendue. Il a trouvé la musique d’Emanuel lorsqu’il suivait un cours sur le patrimoine de la danse à l’université. La musique utilisée a tellement intrigué Mark qu’il a demandé à son professeur s’il pouvait l’utiliser pour un patineur. Le professeur lui a dit que c’était un morceau original de musique rédigé par Gordon Cobb, un compositeur de Vancouver, et qu’il devrait obtenir sa permission.
À la fin, Mark a obtenu la musique pour Emanuel (il a remporté deux événements du Grand Prix sur cette musique), mais il a établi une relation encore plus importante avec Gordon, qui met à présent le vent dans les voiles de Mark. Gordon fait actuellement le montage de tous les choix musicaux de Mark – et parfois, le jeune chorégraphe a donné des directives très compliquées à cet égard.
« Le processus de montage de la musique est très vital », affirme Mark, qui a tout appris à ce sujet de Gordon. « C’est de là que vient toute la structure pour l’agencement des éléments. »
Mark signale qu’il conçoit l’entière chorégraphie d’un programme dans son esprit avant de faire le montage de la musique. À quel point est-ce que le processus peut devenir compliqué? Durant la saison de percée de Kirsten Moore-Towers et Dylan Moscovitch, ils ont patiné sur la musique de Les Misérables et le montage avait 25 coupures. « Couper la musique 25 fois en quatre minutes et s’assurer que le son est cohésif, voilà ce qui rend les choses compliquées », ajoute Mark.
La plus grande percée de Mark à titre de chorégraphe est provenue – non des performances d’Emanuel Sandhu – mais d’un style libre conçu pour le patineur de C.-B., Keegan Murphy, qui était son rival auparavant au niveau junior. Le programme, du compositeur de musique français Yann Tiersen, composé pour un film de tragicomédie allemand acclamé en Europe, est devenu « comme un paratonnerre », a déclaré Mark. « Ce fut le moment où les gens se sont rendu compte de ce que je pouvais vraiment faire. Je crois vraiment que c’est le programme qui a tout changé. »
Keegan a mentionné qu’il avait exécuté les mêmes programmes pendant deux saisons, en 2005 et 2006, au niveau des hommes seniors – qui lui avaient permis d’obtenir ses meilleurs résultats, une neuvième place au niveau national. « Ce fut une approche différente envers les composantes de programme », a fait remarquer Keegan, actuellement directeur des programmes au Club de patinage Connaught, à Vancouver. « C’était éclectique. Je m’en souviens encore… c’était imprévisible. Personne n’avait jamais entendu cette musique ».
Keegan a dit que pour la première fois, il patinait au son d’une musique avec laquelle il pouvait établir un lien. Elle était passionnée, pleine d’émotions et même sensible. Mark fait maintenant la chorégraphie pour deux patineurs nationaux que Keegan a entraînés : Mitchell Gordon et Larkyn Austman.
L’entraîneur Kris Wirtz a demandé à Mark de chorégraphier un programme pour Dylan Moscovitch lorsqu’il patinait avec sa sœur Kyra. Kris avait surveillé le Vancouvérois transplanté lorsqu’il se trouvait à Kitchener-Waterloo, créant des programmes pour l’équipe de patinage synchronisé, Nexxice. Lorsque Kyra s’est retirée, Mark est devenu le seul chorégraphe de Kirsten et Dylan.
« Il est absolument remarquable », s’exclame Kirsten.
« Nous l’aimons beaucoup », a ajouté Dylan. « Il s’est vraiment donné corps et âme pour travailler avec nous et se soucie vraiment de nos carrières ». Mark travaille avec eux depuis si longtemps qu’il considère qu’ils sont des amis.
Lorsqu’il a présenté de la musique du film français Micmac, les deux patineurs ont pensé : « Vraiment? ». Kirsten a admis qu’elle détestait la musique. « Je ne peux pas patiner sur cette musique », a-t-elle pensé. « Elle est horrible. »
« Mais, lorsque nous avons amorcé la chorégraphie et que tout a commencé à former un tout, je me suis rendu compte qu’il savait ce qu’il faisait. Il avait une vision. »
Mark a dit que la musique se voulait un hommage à la fougue des patineuses en couple : dans la chorégraphie, Kirsten règne en maîtresse. « C’est une interprétation de la relation entre un homme et une femme », a-t-il dit.
Malgré sa présence croissante sur la scène, Mark demeure toujours anonyme. La plupart des gens ne savent pas de quoi il a l’air. On le prend souvent pour Emanuel Sandhu ou peut-être même Ravi Walia. Il assiste rarement aux compétitions. Il n’a rencontré que brièvement Lori Nichol et David Wilson. Les chorégraphes vivent dans l’isolement.
« Dans le monde de l’entraînement, les collègues peuvent discuter, mais en tant que chorégraphe, on est vraiment seul », affirme Mark. « Il est rare que je rencontre un autre chorégraphe. C’est un monde où on se fraye un chemin seul, qu’on arrive à comprendre seul et dans lequel on trébuche et on apprend seul. »
Mais, il semble que Mark réussit très bien, car il est de plus en plus occupé.
Beverley Smith
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